Les lieux de mémoire du Vercors résistant

Typologie, acteurs et répartition spatiale

Les définitions de Pierre Nora et de Gérard Wajcman ont servi de cadre d’étude au Groupe Vercors Résistant (GVR) car elles s’appliquent au Vercors. Ces lieux présentent une hétérogénéité qui témoigne des mémoires : plaques individuelles ou collectives, stèles, monuments, mémorial, musée et nécropoles. Le massif est ainsi constellé de différents marqueurs, liés, le plus souvent, aux combats qui se sont déroulés à un endroit donné.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud
Sources :
Collectif (sous la direction de Pierre Nora), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997.
Gérard Wajcman, 
L’objet du siècle, Paris, Verdier, 1998.

Diversité des représentations matérielles

Ces lieux de mémoire sont matérialisés sous des formes diverses :
– une simple croix en bois, plantée à même le sol faisant figurer l’identité et la date de décès du combattant ou du civil ;
– un socle en béton surmonté d’une colonne tronquée indiquant une date et le nom d’un disparu ;
– une plaque indiquant le ou les noms des martyrs, civils ou maquisards, et, parfois, la date et la circonstance de la mort ;
– un monument communal qui rassemble, inscrits dans la pierre, les morts des grandes guerres, ceux de la Résistance ainsi que ceux de la déportation, et, dans certains cas, ceux de personnes exécutées ;
– une nécropole où sont réunies les tombes des civils et des combattants tués ou massacrés lors de certains combats (Saint-Nizier-du-Moucherotte, Vassieux-en-Vercors) ;
–  un monument (martyrologe de Vassieux-en-Vercors), représentation artistique confiée à un sculpteur ou à un artiste peintre ;
–  un mémorial ;
–  un musée.

Auteur : Guy Giraud
Sources :
Collectif (sous la direction de Pierre Nora), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997.
Olivier Vallade, Major Fouyat, 
Des combats au souvenir. Lieux de Résistance et de mémoire. Isère et Vercors, Grenoble, PUG/MRDI, 1997.
Annette Wieviorka, Serge Barcellini, 
Passant, souviens-toi ! Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France, Paris, Plon, 1995.
Recensement des lieux de mémoire par Guy Giraud
.

Les acteurs de la mémoire

Le recensement et le signalement des sépultures a débuté très rapidement, grâce à l’action de l’Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors (ANPCVV) ou à des initiatives privées (J. La Picirella – musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors). L’ANPCVV est notamment l’initiatrice de la nécropole de Vassieux-en-Vercors (Drôme), érigée en 1948 pour recevoir les corps des 187 combattants et civils tués dans les attaques allemandes du maquis du Vercors. Elle regroupe aussi toutes les plaques commémoratives déposées par les associations d’anciens résistants. Elle s’enrichit en 1981 d’une salle du Souvenir. En Isère, l’ANPCVV a érigé la nécropole de Saint-Nizier-du-Moucherotte en 1947.

À partir des années 1990, ces lieux, sont, peu à peu, considérés comme un véritable patrimoine. Ils ont donc été progressivement institutionnalisés, modifiant de fait leur prise en compte et leur gestion. L’État et les collectivités (Région, départements, communes) assurent désormais, en partenariat avec les mémoires associatives traditionnelles, dont l’ANPCVV, la valorisation de ces lieux de mémoire :

En 1994, le Mémorial de la Résistance situé au col de La Chau à Vassieux-en-Vercors (Drôme) est inauguré ; il est géré par le Parc Naturel Régional du Vercors (PNRV) dont la Région, entre autres, assure le financement. 

En 1999, le Département de la Drôme reprend le musée créé par Joseph La Picirella. Il a été entièrement rénové en 2010.

En 2014, les deux nécropoles construites et gérées par l’ANPCVV sont devenues propriété de l’Etat. L’ONACVG en assure l’entretien, la gestion et la valorisation. Une convention règle les rapports entre les différents acteurs : commune/musée départemental de la Résistance/Mémorial/ANPCVV.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

Les espaces de la mémoire

Ces lieux de mémoire correspondent aux événements majeurs survenus sur le massif et ses pourtours entre 1940 et 1944. Le « Vercors » est une dénomination générique qui englobe une multitude de paysages composée de « petits pays ». Pour Jules Blache, avant la guerre, le massif est constitué de « […] deux domaines qui se tournent le dos et sans appellation commune [1] ». À cheval entre le département de la Drôme et de l’Isère, c’est cependant cet ensemble qui a été retenu par les mouvements (Franc-Tireur, Combat) pour la délimitation des Secteurs de Résistance. Pour cette étude, cinq grands ensembles ont donc été retenus pour faciliter la lecture et la classification des données :
– Pays des « Quatre-Montagnes »/Coulmes
– Vercors historique
– Royans / Gervanne
– Diois
– Trièves / falaises orientales et vallée du Drac.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon
Source :
[1] Jules Blache, Les massifs de la Grande Chartreuse et du Vercors, Didier et Richard, Grenoble, 1931, réédition Laffitte reprints, Marseille, 1978.

Le Pays des Quatre-Montagnes et les Coulmes

Cette entité constitue la partie nord du massif, en Isère. Elle est caractérisée par des synclinaux (vals de Lans-en-Vercors/Villard-de-Lans et d’Autrans-Méaudre-en-Vercors), larges vallées habitées, situées à environ 1 000 mètres d’altitude. En ses marges, les communes de Malleval-en-Vercors, au nord, et de Corrençon-en-Vercors, au sud, marquent les limites. La rivière de la Bourne, quant à elle, délimite le massif du Vercors entre sa partie nord et sa partie sud. Elle est traditionnellement orientée vers Grenoble ou le Bas-Grésivaudan car les accès étaient aisés.
Avant-guerre, une ligne de tramway Grenoble/Villard-de-Lans, assurait les liaisons. Enfin, des navettes étaient assurées par les transports Huillier, notamment en 1940-1944. La dualité du piémont (ville-bourgs – vallées-montagne) marque les lieux de mémoire dessinant des parcours communs de résistance.

Après les attaques allemandes des 13 et 15 juin sur Saint-Nizier, un « no man’s land » s’est établi dans le val de Lans. Le 6e BCA s’est replié sur les contreforts ouest de la Plaine, de la Croix-Perrin à Corrençon, les Allemands ne faisant que des reconnaissances jusqu’à Villard-de-Lans, notamment pour contrôler le corps professoral et les élèves du lycée polonais Cyprian-Norwid.

Le 21 juillet, les Allemands lancent leur assaut sur le Vercors. Un groupement de la 157e DR allemande s’engage à partir de Saint-Nizier en direction du col de la Croix-Perrin pour atteindre le val d’Autrans-Méaudre, malgré la résistance du 6e BCA, commandé par Costa de Beauregard (Durieu). Le groupement poursuit sa progression en direction de Corrençon-en-Vercors et Valchevrière dans le but de rejoindre les parachutistes de la Luftwaffe aéroportés par planeurs à Vassieux-en-Vercors.

Trois périodes résument l’histoire attachée aux lieux de mémoire du secteur des Quatre-Montagnes :
– mars 1944 : un accrochage avec une patrouille allemande se produit à Saint-Nizier-du-Moucherotte,
– juin 1944 : les combats des 13 et 15 juin 1944 sont déclenchés à Saint-Nizier-du-Moucherotte,
– juillet et août 1944 : attaque allemande, suivie du ratissage extensif du massif.

Les monuments aux morts des communes rassemblent les noms des combattants de la Résistance et ceux des grandes guerres du XXe siècle.

Auteur : Guy Giraud

Saint-Nizier-du-Moucherotte

Le 13 juin 1944, les Allemands lancent, depuis Grenoble, un bataillon pour effectuer une première reconnaissance du dispositif du maquis ; les résistants parviennent à les repousser. 

Le bilan du combat s’élève à douze tués et six blessés du côté du maquis, un tué et cinq blessés du côté des Allemands.

Le 14 juin, des renforts allemands arrivent et ouvrent le feu, mais ne causent aucun dommage sur les défenses. 

Le 15, au petit matin, les troupes allemandes renouvellent leur attaque avec des moyens renforcés et l’appui de l’artillerie. Cette fois, à peine 600 résistants se battent contre 2 000 Allemands et miliciens. Malgré le combat farouche des maquisards, trop légèrement armés, l’assaillant progresse partout. Vers 10 heures, François Huet ordonne le repli de ses hommes en direction de la Croix-Perrin, Corrençon et Valchevrière.

Au total, les combats de Saint-Nizier coûtèrent la vie à vingt-et-un résistants, neuf civils de Saint-Nizier et treize soldats allemands.

En souvenir de ces combats, une nécropole sera érigée à Saint-Nizier-du-Moucherotte, inaugurée en 1947, sous l’égide de l’ANPCVV.

Auteur : Guy Giraud

Lans – Villard-de-Lans – Valchevrière – Corrençon

Après les attaques allemandes des 13 et 15 juin sur Saint-Nizier, un « no man’s land » s’est établi dans le val de Lans. Le 6e BCA s’est replié sur les contreforts ouest de la Plaine, de la Croix-Perrin à Corrençon. Les Allemands ne font que des reconnaissances jusqu’à Villard-de-Lans, notamment pour contrôler le corps professoral et les élèves du lycée polonais Cyprian-Norwid.

Le 21 juillet, les Allemands lancent leur assaut sur le Vercors. Un groupement de la 157e DR allemande s’engage à partir de Saint-Nizier en direction du col de la Croix-Perrin pour atteindre le val d’Autrans-Méaudre. Il poursuit sa progression en direction de Corrençon-en-Vercors et du hameau de Valchevrière dans le but de rejoindre les parachutistes de la Luftwaffe aéroportés par planeurs à Vassieux-en-Vercors. La route qui relie Villard-de-Lans à Valchevrière est un passage obligé, difficile à franchir, et donc en théorie facile à défendre, d’autant que le pont d’accès aux Gorges de la Bourne, pont de la Goule-Noire, a été détruit par la Résistance. Les combats du Belvédère de Valchevrière se déroulent les 21, 22, et 23 juillet 1944.

Jacques Douillet, né en 1893, ordonné prêtre en 1922, décida d’ériger, le long de la route, un chemin de croix de quatorze stations pour conserver intact le souvenir des héros et martyrs, civils et combattants, du Vercors. Cet ensemble monumental fut inauguré le 12 septembre 1948 par Monseigneur Caillot, évêque de Grenoble, en présence d’une foule immense.

Auteur : Guy Giraud
Source :
d’après les informations transmises par la Maison du Patrimoine de Villard-de-Lans.

Autrans – Méaudre

Le 21 juillet 1944, les Allemands lancent leur assaut sur le Vercors. Un groupement de la 157e DR allemande s’engage à partir de Saint-Nizier en direction du col de la Croix-Perrin pour atteindre le val d’Autrans-Méaudre. Le groupement poursuit sa progression en direction de Corrençon-en-Vercors et Valchevrière dans le but de rejoindre les parachutistes de la Luftwaffe aéroportés par planeurs à Vassieux-en-Vercors.

Auteurs : Guy Giraud

Malleval

Commune située dans les Coulmes, petit pays des Quatre-Montagnes, Malleval compte 41 habitants en 1936.
En 1943, plusieurs maquis s’installent sans dépendre de l’organisation du Vercors. C’est le cas des anciens du 6e BCA, commandés par le lieutenant Eysseric (Gustave) ; d’un groupe de Francs-Tireurs et Partisans (FTP) au hameau dit « des Belles » ; et du petit maquis de l’abbé Grouès (abbé Pierre), qui était parvenu, pour sa part, à quitter les lieux avant l’attaque du 29 janvier 1944. Agissant sur dénonciation d’un agent français, les Allemands bouclent, de nuit, toutes les issues du vallon de Malleval. Au lever du jour, l’attaque frontale est déclenchée depuis Cognin-les-Gorges en remontant les gorges du Nant, en direction du village et du hameau «des Belles». Des maquisards et des civils sont exécutés ou déportés.

Le 29 juillet 1944, après l’ordre de dispersion, 7 maquisards sont tués lors de leur tentative d’exfiltration du Vercors.

La commune de Malleval a été rebaptisée Malleval-en-Vercors à compter du 12 septembre 2005.

Auteur : Guy Giraud

Le Vercors historique

Le Vercors historique constitue la partie sud du massif, dans le département de la Drôme. Les communes de Vassieux-en-Vercors, La-Chapelle-en-Vercors, Saint-Agnan-en-Vercors, Saint-Martin-en-Vercors et Saint-Julien-en-Vercors marquent l’occupation humaine.
En piémont, le Diois (Die est une sous-préfecture) entretient des liens étroits avec cette partie du massif. Le col de Rousset, les chemins muletiers assurent de manière ancestrale les liaisons. 

Début juin 1944, la commune de Saint-Martin-en-Vercors connaît deux événements importants :
– l’installation de l’hôpital militaire, avec son annexe à Tourtre ;
– la mise en place du Poste de Commandement de la gouvernance de la Résistance au centre du village. 

Près de Saint-Agnan-en-Vercors, dans le hameau de La Britière, les moyens de communication par radio du Vercors ont été déployés.

Les 21-24 juillet, les Allemands sont à Vassieux-en Vercors : Die est occupée le 21. Le groupe Zabel rejoint Vassieux-en-Vercors par les cols de Rousset et de Vassieux.

Le 22 juillet, ordre est donné de déménager à Die l’hôpital militaire de Saint-Martin-en-Vercors et son annexe de Tourtre. Au constat de l’impossibilité de l’installer dans la ville occupée par les Allemands, le commandement décide de l’abriter dans la Grotte de la Luire.

Le 23 juillet, le verrou de Valchevrière saute. Les Pas de la falaise orientale sont pris. Les Allemands entreprennent alors le ratissage du massif.

Le 25 juillet 1944, la commune de La-Chapelle-en-Vercors est cruellement marquée par l’exécution de 16 habitants par les troupes allemandes.

Le 27 juillet, vers 6 h 30, des soldats allemands font irruption dans la grotte de la Luire, exécutent tous les blessés, et déportent les infirmières présentes.

Auteur : Guy Giraud

La-Chapelle-en-Vercors

Le 25 juillet 1944, les Allemands entrent dans le village. Ils rassemblent toute la population et prennent en otage 16 hommes âgés de 17 à 38 ans. Le soir même, ils incendient une centaine de maisons et exécutent froidement les otages dans la cour de la ferme « Albert », dont il ne reste qu’un pan de mur et l’escalier.

Auteur : Guy Giraud

Saint-Agnan, La-Britière, La grotte de la Luire

Du 7 juin 1944 au 23 juillet 1944, c’est au lieu-dit « La Britière », que le poste de commandement (PC) du centre du réseau de transmissions de la Résistance dans le Vercors est installé, dans l’ancienne laiterie Revol. Lors du ratissage, le lieu sera détruit.

Le 27 juillet, vers 16 h 30, les Allemands investissent l’hôpital du maquis, replié dans la grotte de la Luire. Ils exécutent les blessés, déportent les infirmières.

Auteur : Guy Giraud

Vassieux-en-Vercors

Les emplacements des lieux de mémoire de la zone allant de Vassieux-en-Vercors au col de Rousset et à Die découlent, d’une part, de l’incursion de la milice du 17 au 24 avril 1944, et d’autre part, des combats qui se sont déroulés à Vassieux du 21 au 24 juillet 1944.

Ces combats sont liés à l’existence du terrain d’atterrissage Taille-Crayon, aménagé en prévision de l’arrivée de troupes alliées aéroportées. Le bataillon Pons de la Drôme reçoit mission de couvrir le terrain de Crest à Die. Les résistants de Vassieux et ceux qui verrouillent les accès de la zone à partir des cols de Rousset, Font Payanne, La Chau et Proncel, tenteront de s’opposer à l’occupation de Vassieux par les forces spéciales de la Luftwaffe aéroportées à proximité de Taille-Crayon.
Du 21 au 25 juillet, les Allemands procéderont à de nombreux massacres de combattants et de civils.

La forêt de Lente, comme d’autres forêts du Vercors, a été une zone-refuge pour la Résistance. Après le départ des Allemands, la population, assistée de membres de la Croix-Rouge, y rassembla les dépouilles des martyrs de Vassieux-en-Vercors.

Ces événements ont donné lieu à l’érection de nombreux monuments, mémoriaux, musées, stèles ou plaques du souvenir.

Auteur : Guy Giraud

La nécropole de Vassieux

La nécropole de Vassieux a été créée par l’Association des pionniers du Vercors. Une exposition de panneaux de portraits de résistants et civils de l’époque 1940-1945 y est visible. Cette exposition rend présent et concret le sens de ces hauts lieux de commémorations.

On trouvera ici le document qui reprend les panneaux de cette présentation.

Ambel

C’est sous couvert d’une exploitation forestière que les premiers réfractaires sont accueillis à la fin du mois de décembre 1942 sur le plateau d’Ambel, dans la Drôme. La forêt appartient notamment à Victor Huillier, un des précurseurs du mouvement Franc-Tireur à Villard-de-Lans. Après avoir obtenu son accord, toute une chaîne de solidarité se met en place sous la direction de Pierre Brunet, lui-même embauché comme sous-directeur chargé des questions matérielles : nourriture et logement du personnel, comptabilité, et surtout des embauches. En février 1943, l’effectif atteint 85 hommes.
Ambel est souvent considéré comme étant « le premier maquis de France ».

Auteur : Julien Guillon

Le Royans, la Gervanne et la Vallée de l’Isère

Cet ensemble constitue le versant ouest du massif du Vercors. Au nord, Le Royans est une région vallonnée, d’élevage, et caractérisée par la culture de la noix. L’accès au massif est relativement aisé par les routes taillées dans la roche à la fin du XIXe siècle.  

Au sud, la Gervanne est une zone de collines accidentée au pied des plateaux qui bordent le massif du Vercors. Ce « petit pays » est essentiellement tourné vers Crest.

Ces deux ensembles, du nord au sud, sont bordés par la rivière Isère, qui, provenant de la Cluse de Voreppe, se déverse dans le Rhône, à quelques kilomètres de Valence.

Trois événements, de natures différentes, concernent ces espaces :
– la mobilisation du Vercors, le 9 juin 1944 ;
– l’attaque allemande du 21 juillet 1944 sur quatre directions : Saint-Nizier/Villard-de-Lans, les Pas de la falaise orientale, le Vercors drômois et Vassieux-en-Vercors ;
– l’ordre de dispersion donné le 23 juillet 1944 par F. Huet (Hervieux) à tous les combattants du Vercors.

Lors du ratissage du massif par les Allemands, certains de ces combattants, parfois originaires de la Drôme, décident de se disperser pour tenter d’échapper au bouclage ennemi mis en place le long de l’Isère, aux débouchés du massif, individuellement ou par petits groupes. Beaucoup sont capturés et exécutés. Des otages civils sont massacrés.

Ces événements justifient l’érection de nombreux lieux de mémoire, dont certains rappellent la montée au Vercors suite à l’ordre de mobilisation du 9 juin 1944.

Auteurs : Julien Guillon et Guy Giraud

Romans-sur-Isère – Bourg-de-Péage

Le 9 juin 1944, c’est la mobilisation : les compagnies civiles, sédentaires, ainsi que les volontaires, dont des Romanais et des Péageois, rejoignent le Vercors.

Le 17 juillet, la commune de Pont-en-Royans est violemment bombardée.

Les combats de juin et de juillet, suivis de l’ordre de dispersion, auront engendré de nombreuses victimes.

Auteur : Guy Giraud

Le Diois

Le Diois est une région de la vallée de la Drôme située en piémont sud du massif du Vercors qui s’étend des environs de Saillans à l’ouest, jusqu’aux cols de Rousset au nord, et aux cols de Menée, de Grimone, et du col de Cabre sur le flanc est. Le Diois est dominé par la montagne de Glandasse, barrière sud du Vercors. Les accès les plus courants se font à partir de la vallée du Rhône à l’ouest en provenance de Valence et de Crest, dans une moindre mesure par le col de Menée en direction de Grenoble. La jonction entre le massif du Vercors, outre les pas muletiers, s’effectue par le col du Rousset. 

Les emplacements des lieux de mémoires de la zone allant de Die au col de Rousset jusqu’à Vassieux-en-Vercors découlent, d’une part, de l’incursion de la milice du 17 au 24 avril 1944, et d’autre part, des combats qui se sont déroulés à Vassieux du 21 au 24 juillet 1944.

Ces combats sont liés à l’existence du terrain d’atterrissage Taille-crayon aménagé en prévision de l’arrivée de troupes aéroportées alliées. Le bataillon Pons de la Drôme reçoit mission de couvrir le terrain de Crest à Die. Les résistants de Vassieux et ceux qui verrouillent les accès de la zone à partir des cols de Rousset, Font-Payanne, La-Chau et Proncel tenteront de s’opposer à l’occupation de Vassieux par les forces spéciales aéroportées de la Luftwaffe à proximité de Taille-crayon. Du 21 au 25 juillet, les Allemands se livreront à de nombreux massacres de combattants et de civils.

Auteur : Guy Giraud

Du Trièves jusqu’à l’agglomération grenobloise

La crête du flanc oriental, longue de cinquante kilomètres, présente plusieurs sommets dépassant les 2 000 mètres d’altitude.

Le Trièves, à l’est, est un bas plateau vallonné, entre les plus hauts sommets du Vercors et les gorges du Drac. C’est la région la plus isolée du reste du massif.

Le secteur qui s’étend des crêtes de la falaise orientale au Drac subit, de novembre 1943 à mai 1944, des raids italiens puis allemands particulièrement bien ciblés.

Dès le 21 juillet 1944, les Allemands attaquent la résistance du Vercors sur quatre directions avec, notamment, comme point de départ : le Drac vers les Pas de la falaise.

Simultanément, ils bouclent le périmètre extérieur du massif pour interdire la fuite de combattants vers la Drôme ou l’Isère.

À l’est, ils surveillent les versants pentus de la falaise qui, des Pas, conduisent au Drac et, au-delà, au Trièves et à l’Oisans.

Au cours de cette lutte inégale, des maquisards, seuls ou en équipes de quelques hommes, sont interceptés et abattus. Des civils sont parfois pris en otages et fusillés ou déportés. Toutefois, des combattants réussissent à franchir les barrages allemands.

Ces événements expliquent le nombre important de lieux de mémoire entre la ligne des falaises et le Drac.

Auteurs : Guy Giraud et Julien Guillon

Le Trièves

C’est une résistance multiforme qui caractérise le Trièves, Secteur IV de l’Armée Secrète de l’Isère, bénéficiant de nombreuses complicités.

C’est une tradition d’accueil et de refuge.
À Prélenfrey-du-Gua, la famille Guidi, protestante, ouvre en 1936 un préventorium appelé « Les Tilleuls ». Dès 1940-1941, l’établissement accueille des enfants juifs issus de familles persécutées [1], pour la plupart envoyés par l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE). D’autres familles accueillent des enfants juifs et quelques réfractaires envoyés par Henri Bertrand, alias X2[2], ou la famille Girard-Clot de Grenoble [3]. Ils sont alors placés individuellement dans les fermes ou dans des exploitations forestières.

C’est également le creuset de la reconstitution des unités militaires.
Après la dissolution de l’armée d’armistice dans les environs de Monestier-de-Clermont, une quarantaine d’homme issus du 6e BCA s’entraîne intensément : ils suivent le Manuel d’entraînement du Fantassin du général Laffargue, commandant de la subdivision militaire de Grenoble, comme une bible [4].

À partir de 1943 et de l’instauration du STO, des camps vont voir le jour. 

En mars 1943, Jacques Molé, engagé dans la Résistance à Lyon, fonde le groupe « Clan Notre-Dame-des-Maquis », qui a pour objectif de réunir des scouts appelés au S.T.O. Il se rend dans le Trièves [5]. Nommé chef A.S. du Secteur, il parcourt les environs pour mettre en place des camps pour accueillir les réfractaires [6].

Au début du mois d’août 1943, à Tréminis, Jean-Claude Rozan (Lanval), installe un camp qui comprend une trentaine d’individus.

En septembre 1943, un camp s’installe à La Sagne, à l’initiative de deux étudiants en théologie de l’Université de Montpellier, qui sera dissout le 19 octobre 1943 par l’armée allemande.

En octobre 1943, le Détachement itinérant F.T.P. « Chant du départ » vient se fixer à Esparron. Dirigé par Marcel Dufour, il n’entre pas en contact avec les autres groupes et a un fonctionnement assez autonome [7].

Lors du rude hiver 1943-1944, des camps vinrent trouver dans le Trièves un climat moins rigoureux et des possibilités de ravitaillement plus satisfaisantes. Le C.2, venu de la clairière de Carette, au sud de Corrençon-en-Vercors, s’installa sur les premiers contreforts du massif et fut ravitaillé par Potin du Secteur IV [8].

Les lieux de mémoire reflètent, de nos jours, le caractère d’une résistance multiforme.  

Auteur : Julien Guillon
Sources et références :
[1] Les habitants de Prélenfrey ont sauvé les 51 juifs, dont 20 enfants, qui s’y étaient cachés entre 1940 et 1944. Hélène, Georges et André Guidi, ainsi que l’infirmière Annie Wahl, ont reçu la distinction de « Justes parmi les Nations ». Le village entier a également été honoré par cette distinction.
[2] Archives Départementales de l’Isère, 57J50/1. Témoignage d’Henri Bertrand recueilli par Suzanne Silvestre le 20 novembre 1967, 8 pages.
[3] A.D. Isère, 57J50/1. Témoignage de mademoiselle Girard-Clot recueilli par Suzanne Silvestre le 17 octobre 1966, 2 pages.
[4] A.D. Isère, 57J50/1. Témoignage de Gustave Lombart recueilli par Suzanne Silvestre le 19 décembre 1977, 6 pages.
[5] Duclos (J-C.) (Sous la direction de.), 
1939, 1945. L’Isère en Résistance, M.R.D.I., Grenoble, 2005, 194 pages.
[6] Duclos (J-C.) (Sous la direction de.), 
1939, 1945. L’Isère en Résistance, M.R.D.I., Grenoble, 2005, 194 pages.
[7] Billat (P.), 
Levés à l’aube de la Résistance dauphinoise, Sassenage : Imprimeurs réunis, 1978, 218 pages.
[8] A.D. Isère, 57J50/1. Témoignage d’André Genot recueilli par Suzanne Silvestre le 28 avril 1975, 7 pages.

Des Pas à la vallée du Drac

En parallèle et en rapport avec le Projet Montagnards, il fut assigné aux secteurs du piémont deux rôles majeurs. Le premier consistait en une surveillance accrue [1] des mouvements ennemis, puis dans un second temps, de présenter un premier rempart à l’accès au massif du Vercors. En effet, les Pas et les Cols pouvaient alors être empruntés par des troupes non nécessairement formées et rompues à la guerre en montagne pour accéder au massif, et ce, malgré les défenses naturelles.
Dans cet objectif, les groupes formés dans le Trièves par les militaires du 6e B.C.A., passés à l’O.R.A., furent initiés à « […] la prise ou la défense d’un piton rocheux [2] », mais surtout à « […] harceler par-dessus et par-dessous l’accès aux Pas du Vercors considérés comme accessibles [3] », tandis que la compagnie civile Brisac devait être immédiatement mobilisable pour la défense de Saint-Nizier-du-Moucherotte. 
En juillet et août 1944, lors de la dispersion, ces accès furent surveillés. Quelques combattants, en tentant de quitter le massif, furent abattus.

Les lieux de mémoire qui jalonnent cet espace sont en corrélation avec la diversité des enjeux.

Auteur : Julien Guillon
Références :
[1] [2] et [3] Archives Départementales de l’Isère – 57J50/1

L’agglomération grenobloise et les Quatre-Montagnes

Deux événements majeurs sont à mettre en relation avec les marqueurs de la mémoire :

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les falaises et leurs débouchés sur l’agglomération grenobloise sont encore en « rase campagne ». À partir de 1943, lorsque la puissance d’occupation vide ses geôles, quelques kilomètres à parcourir suffisent pour perpétrer des exécutions sommaires dans des lieux reculés et discrets.

Lors de la dispersion, à partir du 23 juillet 1944, les débouchés de Saint-Nizier-du-Moucherotte et d’Engins étaient surveillés par les troupes allemandes. Des combattants furent tués lors de leur tentative d’exfiltration, dont Jean Prévost et ses compagnons.

Auteur : Julien Guillon