Le 21 juillet marque la commémoration de l’attaque allemande sur le village martyr de Vassieux-en-Vercors. Une journée dont les Vassivains sont les principaux acteurs.
Le 21 juillet à Vassieux-en-Vercors n’est pas un jour comme les autres. Et les cérémonies qui marquent cette journée ne sont pas des commémorations comme les autres.
D’abord en raison de l’ampleur de la tragédie qui frappa ce village, le 21 juillet 1944. Les troupes aéroportées allemandes débarquent de vingt planeurs. Les parachutistes tuent, indistinctement, civils et résistants faiblement armés. 73 Vassivains, de 18 mois à 90 ans, périront de leurs mains. Des faits dont Alain Carminati rappela la terrible réalité à la nécropole de Vassieux.
Mais la spécificité des cérémonies commémoratives de Vassieux, c’est sans doute aussi la participation active de la population du Vercors drômois à ce rendez-vous du souvenir.
Son déroulé est immuable. A l’issue de la messe donnée en début de matinée, près de deux cents personnes se sont retrouvées ce 21 juillet devant le martyrologe, sur la place centrale du village, pour une cérémonie présidée par la préfète de la Drôme, Élodie Degiovanni. On y retrouvait des élus, de la Drôme mais également de l’Isère, la fanfare et un détachement du 1er régiment de Spahis de Valence, de nombreux habitants.
C’est que, pour beaucoup trop d’entre eux, les noms des victimes, énoncés par des enfants du village, évoquent un grand-père, une mère, une sœur, un grand frère. Chaque année, des éléments de la vie écourtée de certains d’entre eux sont rappelés. Cette année furent ainsi cités le courage de l’Abbé Gagnol, de Jeanne Barbier, l’engagement et le sacrifice de Marthial Berthet, de Georges Magnat, les témoignages de Jean Bontoux,
d’Augusta Berthet, de Pierre Revol, les cris de souffrance d’Arlette Blanc. Façon de rappeler qui ils furent, mais aussi d’incarner cette humanité qui leur fut volée.
La prise de parole du maire de Vassieux, Thomas Ottenheimer, le rappela avec force. « Si les devoirs de rassemblement et de mémoire sont indispensables, ils ne suffisent pas, ils ne suffisent plus. Malgré les horreurs de deux conflits mondiaux, les conflits, les guerres, le racisme et l’antisémitisme n’ont jamais cessé. La folie des hommes d’hier n’a pas suffi à empêcher la folie des hommes d’aujourd’hui. Alors, par respect pour ces enfants tombés en juillet 44, pour tous les survivants pour tous ceux qui ont combattus, nous devons impérativement ajouter au devoir de mémoire, le devoir d’apaisement pour pas que cela recommence », disait-il.
« Face aux défaitistes, aux complotistes, aux déclinistes, aux populistes de tous bords, face à la défiance collective, face à la théâtralisation du débat public qui nous rappelle si tristement celle des années 30, face à un monde qui malmène chaque jour un peu plus le vivre ensemble, face à ceux qui décrivent une France qui ne serait plus, opposons le devoir d’optimisme et réaffirmons simplement notre amour de notre pays tel qu’il est », ajoutait-il.
Avant de terminer par ces mots : « nous relèverons ensemble par le dialogue, la confrontation des idées, le débat démocratique, l’engagement citoyen, dans la tolérance et la bienveillance, les immenses défis qui nous attendent et nous construirons une France plus belle encore, plus juste, plus égalitaire, plus libre, plus fraternelle. Nous pourrons alors nous tourner fièrement vers ce martyrologe pour affirmer à chacun d’eux que leur sacrifice ne fut pas vain et qu’aucun d’eux n’est mort pour rien ».
Après les dépôts de gerbes devant le martyrologe, les cérémonies se poursuivirent à la nécropole de Vassieux où Élodie Degiovanni prit la parole pour rappeler les valeurs de la République qui président à cette journée du souvenir.
Daniel Huillier, président de l’Association nationale des pionniers et combattants volontaires du maquis du Vercors, relevait quant à lui que les maquisards victimes des combats dont les tombes sont rassemblées dans la nécropole de Vassieux l’ont été « sans distinction d’origines, d’engagements spirituels, de nationalités, d’orientations politiques. Quelques soient leurs origines, leurs sexes, leurs âges, leurs statuts, elles sont tombées pour les même valeurs et c’est pour leur mémoire que nous sommes réunis. » Cette armée de résistants évoque celle qui combattit à Valmy, en 1792 : « Se souvenir de Valmy n’est rien si on ignore qu’y fut sauvé la Révolution et créé la République. Se souvenir de Vassieux et du Vercors n’est rien si on ignore que la République y fut rétablie. Avant d’être à Vassieux, le 11e Cuir était à Valmy ». Le 11e cuirassé, régiment reconstitué dans le Vercors et qui poursuivit le combat jusqu’à la victoire de 1945.
« Lorsque j’étais enfant, toutes les mairies et les écoles arboraient sur leurs frontons la devise de la République. Liberté, Égalité, Fraternité, Ce ne sont pas seulement trois mots, c’est l’ultime justification du sacrifice de ceux qui reposent ici. »
A l’issue de la cérémonie conclue par un dépôt de gerbes et le salut des portes-drapeau, chacun avait en tête le rendez-vous de 2024. Ce sera l’année du 80e anniversaire des combats du Vercors.
Depuis 1945, aucun président de la République n’est venu honorer de sa présence les cérémonies du 21 juillet à Vassieux. Vassieux, ville Compagnon de la Libération, village martyr. Alors, 2024, l’année du rachat ?