Émile Bernard a été arrêté à Gresse-en-Vercors le 23 juillet 1944 et fusillé le 30. Marie-Thérèse Lavault est l’un de ses enfants. Professeur d’histoire, elle a voulu connaître les faits. Pour témoigner et transmettre. Ce qui l’a conduite, entre autres, à nous communiquer des documents conservés par sa famille.
Laisser des traces, « permettre aux chercheurs et au public d’avoir accès à ces documents ». En nous communiquant les images et textes aujourd’hui disponibles sur ce site de l’association des Pionniers, Marie-Thérèse Lavault, fille d’Emile Bernard – fusillé le 30 juillet 1944 à Charnècles – souhaite tout à la fois « rendre hommage à ces hommes qui ont risqué leur vie » et transmettre la mémoire de ce qui s’est passé.
Une histoire familiale douloureuse. « Je n’ai pas vraiment de souvenirs conscients de ce jour où mon père est parti, témoigne Marie-Thérèse Lavault, mais j’ai longtemps fait des cauchemars chaque fois que j’étais confrontée à des images d’archives de cette époque ». Pour sa sœur aînée, il en allait autrement. « Elle a gardé la mémoire des derniers gestes de mon père au moment de son arrestation, le tiroir qu’il a ouvert, le peigne qu’il a utilisé, cette injonction ‘va voir ta grand-mère’, le bruit des bottes sur le parquet… après la guerre, la vue d’une Traction lui était insupportable… »
Longtemps, les faits sont restés enfouis dans l’inconscient familial. On n’en parlait pas. Trop douloureux. Jusqu’au jour où Marie-Thérèse Lavault a franchi le pas. « J’avais besoin d’aller à ce qui s’est passé, de connaître les faits. » Le déclic, ce fut une distinction remise à Alice Salomon, « ma cousine, Lili, comme on disait dans ma famille. »
Professeur d’histoire – « mon intérêt pour le 20e siècle a sans doute été attisé par notre histoire familiale » -, Marie-Thérèse Lavault a commencé à collecter et à recouper des témoignages. Elles s’est plongée dans les archives, à la mairie, au département, archives qu’elle a épluchées dossier par dossier. Une façon aussi de mettre le drame à distance. Et une quête qui n’allait pas de soi : après la Libération, le silence a prévalu comme un exorcisme. « Nous ne savons pas qui a dénoncé nos parents. »
Ce travail scientifique de recherche historique s’est concrétisé, sous l’égide de l’association Gresse-en-Vercors histoire et patrimoine, par la publication d’un livre, Gresse-en-Vercors pendant la guerre 1939-1945. L’ouvrage a été réédité à quatre reprises (*).
Ce travail de mémoire a également débouché sur la réalisation d’une exposition présentée en 2014 dans une des résidences de la station de ski gressoise. « Notre idée est de refaire une exposition en l’élargissant : la résistance à Gresse s’est insérée dans l’ensemble plus vaste du Trièves. »
D’autres projets sont en cours. A commencer par la restauration du bassin qui avait été construit en 1942, à l’entrée du hameau d’Uclaire, par les éclaireurs skieurs du 6e BCA, avant la démobilisation du bataillon le 28 novembre 1942. En la prononçant devant ses hommes à Brié-et-Angonnes, son chef de corps, Albert Seguin de Reynies – arrêté le 6 mai 1944 par la Gestapo et probablement fusillé -, avait fait le serment de reprendre le combat.
La rénovation de ce bassin est pratiquement achevée. Les travaux ont été conduits avec le concours de l’Amicale des anciens du 6e BCA. Cette réalisation sera inaugurée l’année prochaine ; « nous espérons la présence de la famille d’Albert Seguin de Reyniès ».
Projet encore avec la réalisation de chemins de mémoire dans la commune. « Il s’est passé beaucoup de choses à Gresse pendant la Résistance, dans des lieux éloignés les uns des autres; avec l’association, nous voudrions concevoir des panneaux qui décrivent les faits historiques et se renvoient les uns aux autres pour former des itinéraires de découverte historique tout en indiquant aussi les travaux mémoriels entrepris ailleurs dans le Trièves ». L’association envisage pour ce projet d’utiliser les technologies actuelles pour donner la possibilité de consulter, à partir de chaque panneau d’exposition, des documents sur son téléphone mobile ou sa tablette.
Transmettre une mémoire dont l’époque actuelle a le plus vif besoin, un impératif de notre temps. Le site sur lequel vous lisez ces mots est pour cela à la disposition des familles.
(*) Gresse-en-Vercors pendant la guerre 1939-1945 a été écrit par Marie-Thérèse Lavault, avec le concours d'Evelyne et Noëlle Quillon et de Bernard Brun-Cosme. Il a été édité par l'association Gresse-en-Vercors histoire et patrimoine. On peut se le procurer au prix de 18 euros au siège de l'association (mairie de Gresse-en-Vercors, à la librairie "l'Esprit vif" à Vif et au tabac presse de Monestier-de-Clermont, au mémorial de Vassieux-en-Vercors et lors des différentes initiatives de l'association. Vous disposez d'archives familiales que vous souhaitez mettre à la disposition de la recherche historique et du public ? Prenez contact avec l'Association nationale des pionniers et combattants volontaires du maquis du Vercors – familles et amis. Elles pourront ainsi être mises en ligne dans la médiathèque de ce site vercors-resistance.fr