Paul Vallier, la liberté à tout prix est le dernier opus de la collection Parcours de résistants. Il a fait l’objet d’une présentation au public le 17 novembre dernier à l’hôtel du département. Son auteur, Pascal Estadès, évoque pour nous ce qui a motivé son écriture.
« Se souvenir pour construire le présent. » Pascal Estadès résume ainsi la motivation qui l’anime : la raison d’être de la mémoire est sa contribution à un monde meilleur.
Démarche qui s’inscrit dans un contexte familial. Difficile d’échapper à l’emprise d’une épopée de la résistance grenobloise, quand on a grandi sur les genoux d’un grand-père qui portait le nom de Gustave Estadès, Tatave dans la résistance. Un homme à l’origine de l’engagement de Paul Gariboldy (Paul Vallier) et qui fut l’une des chevilles ouvrières du groupe Vallier jusqu’à son arrestation en novembre 43.
Une motivation, une ascendance… il n’en fallait guère davantage pour que Pascal Estadès se passionne pour l’histoire de la résistance. Auteur d’un film en 1991, on le retrouve à la présidence de l’Association des Amis du musée de la Résistance de 2002 à 2011, puis à nouveau en 2019.
2019, c’est aussi l’année d’un « étonnement », nous dit-il dans un souci d’euphémisation diplomatique : Paul Vallier avait disparu des présentations du musée de la résistance de Grenoble. De quoi faire réfléchir. Comment en était-on arrivé là ? « Sans calcul, presque sans faire attention, explique Pascal Estadès, simplement, au fil des ajustements, de l’évolution – nécessaire – de la présentation muséographique, de l’envie de faire de la place à des objets restés dans les collections… on était finalement passé à côté de l’essentiel ».
Car Paul Gariboldy, Paul Vallier dans la Résistance – « rien que l’effacement dans la mémoire collective du nom qu’il portait à l’état civil est significatif » – c’est tout de même la constitution et la direction du groupe Vallier, groupe franc de l’organisation Combat – jusqu’à son assassinat par la milice le 22 mars 44 à Fontaine. Des résistants à la détermination farouche, auteurs de faits d’armes parmi les plus spectaculaires à Grenoble de l’automne 1943 au printemps 44. Braquage d’un fourgon postal pour financer la résistance, évasions de la prison Saint-Joseph, vols d’armes, actions contre la collaboration… Deux cents bombes déposées au cours de cette période à Grenoble.
Rendre justice à l’engagement de Paul Vallier était indispensable. Ce livre devenait une urgence. Pascal Estadès l’a écrit et l’ouvrage est ainsi devenu le onzième opus de la collection « Portrait de résistants » publiée sous l’égide du Musée de la résistance et de la déportation de l’Isère.
Écrit est un verbe réducteur. « La difficulté de ce récit a été de ne pas se laisser impressionner par la légende qui a porté aux nues Paul Vallier après la guerre, Paul Vallier, ce héros mort les armes à la main, recherché, traqué par les polices allemande et française », explique Pascal Estadès. D’où un travail minutieux d’historien pour confronter les sources – « les archives de la police ont été précieuses » – et apporter un regard précis sur les faits et leur réalité. « Ce qui en ressort, souligne l’auteur, c’est que passé le sourire que suscite l’emphase caractéristique de l’écriture narrative des années 50, la réalité est très proche des récits publiés après guerre : ils ont réellement fait des choses incroyables ».
Ce livre, c’est aussi une adresse au monde d’aujourd’hui. L’ouvrage est traversé d’une interrogation : qu’est-ce qui a fait que ces jeunes hommes et femmes ont fait ce qu’ils ont fait ? Ils étaient une poignée, ils ont risqué leur vie et davantage, nombre d’entre eux ont connu des fins tragiques, ils ont organisé des attentats, exécuté des collaborateurs… Après guerre, les survivants ne se sont pas présentés comme les héros qu’ils furent, « ils pensaient avoir fait ce qu’ils devaient faire », raconte Pascal Estadès. « Ce qu’ils avaient en commun, c’est le refus de l’asservissement, de la privation de liberté, de l’effondrement de la démocratie, de la disparition du droit de vote… » Leur histoire s’inscrivait dans le fil de celle de la République : Révolution de 1789, suffrage universel, engagement pour la justice et l’égalité. Ce dont témoigne la vie de Paul Gariboldy.
Et c’est bien en ce sens que conserver la mémoire de ce qui est advenu constitue un bien précieux pour l’époque contemporaine.