Année 2019 fort riche, pour l’histoire de la Résistance dans les balcons Est du Vercors. Après les cérémonies du 20 juillet, l’association Histoire et patrimoine du Gua organise des journées du patrimoine consacrée à la Résistance à l’occasion de la parution d’un livre très documenté sur le sujet. Une association qui n’en est pas à son coup d’essai.
Quatre ans de travail, des dizaines de rencontres avec des résistants, des témoins de l’époque, les familles d’anciens résistants, la consultation de milliers de documents… c’est une somme, 1939-1945 au Gua, qui vient de paraître.
Elle est le fruit d’une passion, celle qui anime les membres d’Histoire et patrimoine du Gua. Et elle conte une période, celle de la deuxième guerre mondiale vue par les habitants du Gua, dans cette zone des balcons Est du Vercors et du Trièves, le secteur IV de la Résistance.
“Nous avons voulu faire un travail précis, aussi près que possible de ce que disent les documents, en le confrontant aux récits qui ont eu cours sur cette période et plus particulièrement sur la Résistance”, explique le président de l’association Histoire et patrimoine du Gua, Christian Bouchier. L’épisode le plus dramatique et, par là, le moins méconnu dans cette zone de pied des falaises, c’est l’exécution de quinze résistants, à Revolleyre. Quinze jeunes hommes pris par les soldats allemands alors qu’ils tentaient de rejoindre l’Oisans, après l’ordre de dispersion des résistants du Vercors. Le capitaine Conus, – Volume dans la Résistance – le seizième homme du groupe, fut le seul à pouvoir s’échapper (voir le récit de son évasion, le Pionnier du Vercors n°49, pp. 6-8).
La Résistance au Gua avait fait l’objet d’un premier travail avec la confection de huit panneaux constituant les “Chemins de résistance et de mémoire” qui furent inaugurés à Prélenfrey lors des cérémonies commémoratives de juillet 2018. Un neuvième est venu s’y ajouter l’été dernier aux côtés du monument des fusillés de Revolleyre tandis qu’un dernier panneau, posé à l’entrée du cimetière de Saint-Barthélemy-du-Gua rappelle que les victimes y furent provisoirement inhumées avant d’être reconnues par leurs familles – l’un des quinze fusillés, demeuré inconnu, y repose aujourd’hui encore.
1939-1945 au Gua embrasse tous les aspects de la Résistance – dans sa diversité – et de la vie des habitants du Gua au cours de ces années sombres. Parmi les documents exploités, des cahiers, écrits jour après jour, dans le secret des fermes et des familles. Les événements ont été perçus à l’aune des vies de chacun. Les témoignages, parfois divergents, s’éclairant mutuellement, ont été recueillis et mis en perspective. Il a fallu aussi sortir de la vallée de la Gresse : “les résistants qui se sont battus ici venaient souvent d’ailleurs, à commencer par ceux qui descendaient du Vercors pour échapper aux Allemands qui, souvent, étaient originaires de la région de Romans”. Les archives du Service historique de la défense ont été visitées, au château de Vincennes et à Caen. Les archives départementales, le musée de la Résistance en Isère… également, naturellement. Toutes les familles des fusillés ont été rencontrées. Le résultat est un ouvrage très documenté qui brosse un portrait détaillé de cette période de notre histoire.
Ce que les historiens en ont retiré? “Les combats de l’été 44 focalisent très logiquement l’attention, note Andrée Barras-Tixier, secrétaire adjointe, lorsque l’on rentre dans le détail et dès le début de la guerre, on mesure mieux à quel point la répression n’a pas été uniquement le fait des Allemands; la milice et la police française ont largement contribué aux exactions subies par les populations, aux horreurs infligées aux résistants”.
1939-1945 au Gua, un ouvrage de 164 pages illustré de nombreux documents inédits, est en vente par correspondance auprès de l’association Histoire et patrimoine du Gua. Le bon de commande à télécharger
La soif de connaissance des passionnés d’Histoire et patrimoine
Si les chercheurs d’Histoire et patrimoine du Gua se sont intéressés à la Résistance, c’est que le sujet est incontournable, au droit des falaises du Vercors. Ce n’est pourtant pas le seul. “Nous avons récupéré en format numérique toutes les archives de la commune”, indique Andrée Barras-Tixier. Ce qui n’est pas rien : elles remontent à 1562, à l’époque des seigneurs Bérenger du Gua. Trente cinq mille documents bien au chaud dans les disques durs, le leg de la conscience méticuleuse de générations d’esprits éclairés de la Renaissance jusqu’à la haute idée de l’intérêt général qu’ont pu se faire des employés de mairie… bref, il y a de quoi faire et dans les domaines les plus variés.
Ce qui convient parfaitement à la dizaine de membres très actifs de l’association comme aux quatre-vingts adhérents qui soutiennent la démarche avec un brin d’admiration. De fait, l’association a édité pas moins de sept livres: sur la Fontaine ardente – une merveille du Dauphiné qui valait bien que l’on s’arrêtât sur ses bienfaits -, sur l’industrie du fer avant la Révolution, sur le village de Saint-Barthélemy – l’un des trois qui composent la commune du Gua avec les Saillants et Prélenfrey – ou encore l’industrie du ciment dans la vallée de la Gresse – “la montagne est un vrai gruyère, la pierre était exploitée dans des galeries souterraines”. Pour ce dernier ouvrage, les historiens amateurs se sont adjoints les services du comité départemental de spéléologie, dont les membres ont exploré les sites et dressé une cartographie de cette exploitation, laquelle constitue une partie de l’ouvrage édité.
Ces recherches sont exigeantes. Ici, la règle est de remonter à la source des documents. Et de se défier du “copier coller” qui propage sans fin les erreurs et approximations de Wikipédia – et d’autres – en sites incertains et dépliants colorés. Pour le livre consacré au Gua pendant la guerre de 14-18, Andrée et Bernard Tixier ont pris leur camping-car pour explorer la ligne de front, de Colmar jusqu’à la mer du Nord. On aura compris que rien n’est laissé au hasard.
Que faire de cette masse de connaissances accumulée? Des livres, donc. Mais pas seulement. L’association organise les journées du patrimoine dans la commune, elle propose des conférences, des interventions dans les écoles et collèges, participe à des événements conçus par d’autres associations ou institutions. L’année Lesdiguières, organisée en 2017 par le conseil départemental, a été le cadre d’une remise en lumière, celle de Claudine Bérenger – première épouse du connétable François de Bonne, duc de Lesdiguières, avant qu’il n’épouse sa maîtresse Marie Vignon en 1617 – et dont Histoire et patrimoine du Gua compte sans doute parmi les meilleurs spécialistes.
L’histoire de la Résistance sur les balcons Est du Vercors était décidément entre de bonnes mains.
Au Gua, le programme des journées du patrimoine
consacrées à la Résistance
Le secteur IV du Trièves a regroupé de très nombreux résistants du Gua et des alentours fortement impliqués dans les maquis du Vercors au péril de leur vie. Lors des prochaines journées du patrimoine, l’association Histoire et patrimoine du Gua évoquera leurs luttes pour la liberté, leur vie et parfois leur mort, la vie quotidienne pendant ces années noires, le courage et la belle humanité de tous ceux qui cachèrent des armes ou des personnes, l’engagement des FFI dans l’armée après la libération de la France.
Vendredi 20 septembre 2019 à 20 h :
Salle polyvalente, rue de la Gresse, les Saillants-du-Gua.
Conférences, diaporamas : les FFI; le drame de Revolleyre, la vie quotidienne au Gua pendant la seconde guerre mondiale.
Films : La guerre de 1942 à 1945, Les fusillés de juillet 1944.
Samedi 21 septembre 2019 :
Salle polyvalente, rue de la Gresse, les Saillants-du-Gua.
De 11 h à 17 h : exposition, films (dont des interviews des habitants du Gua qui ont vécu cette guerre).
À 14 h et 16 h : visite commentée du site de mémoire de Revolleyre, départ du monument pour aller sur le terrain où furent fusillés quinze jeunes maquisards.
Renseignements : Histoire et patrimoine du Gua, tél : 06 71 42 63 78
Entrée libre. Salle accessible aux personnes à mobilité réduite. Pour la visite à Revolleyre, prévoir des chaussures plates et fermées.
La cérémonie du 20 juillet 2019 à Revolleyre
La cérémonie commémorative, dans le cadre du 75e anniversaire des combats du Vercors, a eu lieu le 20 juillet dernier en présence de Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère, ainsi que de familles des résistants fusillés le 23 juillet 1944.
L’un des moments marquants de cette rencontre a été l’inauguration du panneau qui indique une brève biographie de chacun des fusillés – à l’exception de celui demeuré inconnu. Instants particulièrement émouvants pour les familles qui ont perdu l’un des leurs ce jour d’été 44.
Des gerbes ont été déposées et Marie-Noëlle Battistel a conclu son intervention de ces mots : “ce devoir de mémoire, nous le devons à nos aïeux tombés ici et à nos enfants pour qu’ils continuent de grandir dans un pays libre”.